Témoignage de Joël MILLON pour Claude
Monseigneur
Madame le Bâtonnier,
Mes Chers Amis,
Nous sommes tous réunis autour de Claude, notre ami à tous car il était l’Ami, celui qui tendait la main.
Converser avec lui nous donnait immédiatement envie de le revoir. Il avait le sens de rapprocher les êtres, ponctué par une blague dont il avait le secret.
« Allo, ne quitte pas, je te passe quelqu’un » connu ou inconnu quelquefois et il nous passait le téléphone.
« Mais tu ne l’embrasses pas ? » nous présentant quelqu’un.
« Vous pouvez vous tutoyer ! »
Il inventait des mots comme upstry (il n’a jamais su l’écrire, comme personne d’ailleurs).
C’était à la fois un verbe, un nom propre, un nom commun, un adverbe, etc… Il employait ce mot à tout moment, jusqu’au jour où après avoir refusé de prendre un Monsieur Upstry au téléphone, pour finir par « allo, ne me casse pas les pieds ». Ce monsieur existait bien et je me suis confondu en excuses.
J’ajouterai le jeu de boules lyonnaises qui se joue à trois joueurs… etc…
Madame le Bâtonnier l’a dit bien mieux que moi et plus solennellement que moi.
Claude, notre Claude, tu étais un remarquable orateur aux brillantes plaidoiries, talentueuses et imprévisibles, manipulant le chaud et le froid, la vérité et la contre-vérité, avec autant d’aplomb et de conviction.
Claude, mon Claude, c’est à Lourdes, avec l’Hospitalité, que nous nous sommes rencontrés il y a plus de cinquante ans et nous formions un couple assez complémentaire. Notre rôle : électrons libres. Depuis, tu étais là dans ma vie et j’étais là dans la tienne. Ces dernières années, tu as été présent pour moi, spirituellement et physiquement.
Nous nous parlions presque chaque jour au téléphone.
La Vierge Marie veillait et était mise à contribution souvent pour tes amis car l’Autre était la grande valeur de ta vie.
Notre Dame de Lourdes était ton refuge et la rue des Terrasses à Notre Dame des Lumières chez les sœurs Oblates était ta cantine maternelle et spirituelle.
Ta vie n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Je ne surprendrai personne en disant que tu avais une formidable imagination, la puissance de tes pensées te conduisant parfois dans des recoins de ton âme que tu interrogeais si souvent en faisant des retraites chez Marthe Robin ou à la Flatière.
Ta dévotion, ce souci permanent de l’autre surtout s’il t’est humble, démuni, malade… ta relation et ton attachement aux Petits Frères des Pauvres le démontrent.
Les secrets de ton âme et ta volonté te menaient parfois vers d’impossibles défis.
Ta confiance, que tu donnais très facilement parfois t’affaiblissait et parfois t’a trahi. Car à une certaine période de ta vie, ta confiance a été trahie par un homme sans scrupule (à qui tu as sûrement pardonné) qui survolait la terre auboise au point de te mettre dans de grandes difficultés. Courageusement, tu commençais à te relever lorsque la maladie te frappa plusieurs fois et t’obligea à prendre ta retraite pour raison de santé. Retraite que tu vivais mal malgré l’attention de ceux qui t’aimaient, en particulier Mario qui partageait ta vie depuis vingt ans avec tout ce que cela comporte de joies et de peines, de doutes et d’incertitudes.
Notre Claude, Mon Claude,
Tu étais un artiste, un comédien-né, un chansonnier. Ton humour à la Raymond Devos… Le Théâtre de deux Anes aurait pu t’ouvrir ses portes. Tu aurais pu passer dans l’émission Le Grand Bluff de Patrick Sébastien.
Mon Claude, en parlant de bluff, tu nous aurais tous bluffés à l’Hospitalité à Lourdes, tu avais tenu en haleine ton public pendant une heure et demie, lisant tes feuilles sur ton pupitre.
Tu avais raconté les péripéties du voyage en train des uns et des autres depuis le départ de Troyes avec les malades.
C’était drôle, brillant, un genre de moment où l’on se dit « c’est déjà fini !! ».
C’est alors que tombent les feuilles, elles étaient toutes blanches, rien d’écrit !
Ton sens de l’écoute, ton sens de l’observation faisaient merveille.
Tu avais l’art de transformer rien en quelque chose.
Lors de l’Heure Sainte à Lourdes, il a deux grands moments : le Miracle possible et attendu et le show de Monseigneur Stenger et de Claude : c’était un duo très rôdé qui a tissé des liens privilégiés.
Mais je profite de cet instant pour vous dire, Monseigneur, que lorsque je suis allé vous annoncer le départ de Claude, vous étiez en réunion avec plusieurs personnes, vous avez tout laissé pour me dire dans la même seconde : « je dirai la Messe pour Claude ». Votre regard était plein de compassion et magnifique.
Notre Claude, Mon Claude,
Dis-nous, tu ne nous fais pas une dernière blague ? En fait, où es-tu ? Que fais-tu ?
Je crois avoir deviné… Chevauchant ton scooter céleste, tu pars plaider et convaincre Dieu que tu es l’Envoyé du Pape François et de Benoit XVI (il en faut bien deux) :
De déplacer le Saint Siège rue des Terrasses chez les sœurs oblates,
Et que dorénavant la fumée blanche pour désigner le Pape sera bleue, en hommage à Marie que tu as tant aimée et vénérée.
Tu es parti calmement, entouré de tous les tiens, de Mario, de Charles, Edouard, Clarisse, Agathe, tes enfants, de Marie-Paule, des sœurs Oblates et j’étais à tes côtés.
Merci mon Claude pour la joie que tu nous as donnée,
Merci pour ta présence dans les moments difficiles.
Au revoir, mon Claude, notre Claude et merci pour tout.
Souvenons-nous… Ne soyons pas tristes, nous nous reverrons un jour ou l’autre … mais en attendant tu vas nous manquer.
Joël MILLON